Tumeurs | Parties Molles | Lymphome musculaire primitif

CAS CLINIQUE

Patiente de 84 ans, à 9 mois d'une arthroplastie d'épaule gauche consultant pour l'appartition d'une tuméfaction et d'une induration douloureuse en région deltoïdienne gauche, avec limitation de l'amplitude articulaire.

Une radiographie est réalisée dans un premier temps ; l'incidence de face est présentée ci-dessous. On retrouve une prothèse totale d'épaule gauche inversée, cimentée. Il existe des signes de descellement de l'implant huméral métaphysodiaphysaire avec ostéolyse péri-prothétique prédominant en zone 1 et 7 de Sperling aboutissant à un amincissement et une interruption de la corticale. Il s'y associe une fracture péri-prothétique humérale trochiterienne avec calcifications en regard.

Surtout, il existe une volumineuse tuméfaction fusiforme des parties molles en région deltoidienne, en dehors du tiers proximal de l'humérus, de densité hydrique.


Une IRM complémentaire avec injection de chélates de gadolinium est réalisée dans le bilan de cette opacité des parties molles à la radiographie. Les séquences avec suppression de la graisse, artéfactées par le matériel d'arthroplastie, ne sont pas présentées.


Ci-dessus, des coupes axiales en pondération T1 (à gauche) et T2 (à droite) montrent une masse infiltrante à contours irréguliers avec extension multi-compartimentale contigue avec atteinte circonférentielle péri-humérale à l'origine d'un élargissement du muscle. La lésion est en discret hypersignal T1 comparativement au muscle et franc hypersignal T2 comparativement au muscle avec des contours nets.

Element important, on note sur la séquence T2 à droite une infiltration postérieure au tissu graisseux sous-cutané.

Les séquences pondérées T1 avant (à gauche) et arpès injection (à droite) sont présentées ci-dessous.


On note un réhaussement significatif diffus et homogène de l'ensemble de la lésion, à contours nets, sans zone de nécrose intralésionelle.

De nouveau, et de manière inhabituelle pour une tumeur musculaire, on note une extension lésionnelle extramusculaire en arrière, à contours plus flous, infiltrant le tissu cellulo-graisseux sous-cutané.

DIAGNOSTIC

La biopsie réalisée confirme le diagnostic de lymphome B diffus à grande cellule musculaire CD20+, Bcl2-.

LYMPHOME MUSCULAIRE PRIMITIF : GENERALITES

Bien que les formes extranodales de lymphome non Hodgkinien soient fréquemment rencontrées (représentant 20 à 30% des LNH), le lymphome musculaire primitif est extrèmement rare (1,4% des LNH). Il s'observe dans la majorité des cas après 60 ans et atteint de manière privilégiée la cuisse et le membre supérieur. Sur le plan anatomopathologique, il s'agit essentiellement de lymphomes non Hodgkiniens de type B à grandes cellules.

Dans notre cas, l'association entre la fracture/descellement humérale et l'apparition du lymphome est très probablement fortuite. Cependant, il est intéressant de constater que plusieurs études (Metzler JP, O'Neil JK, Hosono M) ont montré qu'un antécédent local de traumatisme est un facteur associé au développement d'un lymphome musculaire dans la zone injuriée.

LYMPHOME MUSCULAIRE PRIMITIF : SEMIOLOGIE IRM

L'aspect typique est une masse infiltrante oblongue, allongée dans le sens des fibres musculaires dans trois-quart des cas. L'élargissement des massifs musculaires impliqués est un signe constant.

La tumeur est en iso-signal ou discret hypersignal-T1 comparativement au muscle et en hypersignal T2 intermédiaire (restant moindre que la graisse) avec un réhaussement typiquement diffus et homogène, sans zone de nécrose.

Les signes discriminants, utiles au radiologue sont :

  - L'association d'une atteinte musculaire trans-compartimentale contrastant avec l'absence d'atteinte médullaire osseuse (ou la faible importance de celle-ci).

  - La présence d'une extension extra-musculaire avec infiltration des tissus graisseux sous-cutanés (voir épaississement de la peau) ce qui semble inhabituel dans les autres tumeurs musculaires. Ce signe intéressant a une sensibilité de 80% dans la série de Chun. Il peut y être associé un épaississement et un rehaussement des fascia superficiels ou profonds.

 - La présence de vaisseaux traversant la lésion, visibles dans 85% des cas sous la forme de flow voids ou de structure vasculaires à rehaussement tubulaire.

CONCLUSION

Bien que rare, le diagnosic de lymphome musculaire primitif peut être évoqué devant la présence d'une masse infiltrante extensive pluricompartimentale à rehaussement homogène sans atteinte osseuse médullaire mais avec infiltration de la graisse cutanée adjacente.

REMERCIEMENTS : Remerciements aux Drs. D. Lachatre, Y. Camilleri et F. Fiorenza

REFERENCES

MRI features of skeletal muscle lymphoma. Chun CW and al. AJR 2010