Coude | Nerfs | Syndrome de Kiloh-Nevin (ou Sd. du nerf interosseux antérieur)

Patient de 50 ans consultant pour l'apparittion subaigue d'une faiblesse de l'avant bras, sans trouble sensitif ni antécédent traumatique connu. L'examen neurologique élimine une cause centrale et conclut à la suspiscion de syndrome de Kiloh-Nevin (mono-neuropathie périphérique motrice pure dans le territoire interosseux antérieur).

L'IRM réalisée est présentée ci-dessous (coupes axiales à trois étages de l'avant-bras, du plus proximal au plus distal)  en corrélation des pondérations T1 (en haut) et STIR (en bas) à chaque étage.

L'analyse sémiologique retrouve un hypersignal STIR diffus et homogène intéressant l'ensemble des muscles carré pronateur (Pronator quadratus), et long fléchisseur du pouce (Flexor pollicis longus) ainsi que la région radiale du fléchisseur commun profond des doigts (Flexor digitorum profundus).

Ces anomalies de signal évoquent en première hypothèse un oedème de dénervation devant : 1)
l'absence d'infiltration associée de la graisse adjacente ou des fascias antébrachiaux (ce qui permet une distinction avec les causes inflammatoires, traumatiques et tumorales d'altération de signal musculaire) et 2) le pattern lésionnel interessant électivement le territoire moteur typique de nerf interosseux antérieur.

A noter que ce nerf, branche motrice du nerf médian, n'est pas clairement visualisé à l'IRM mais qu'il chemine anatomiquement aux côtés de l'artère interosseuse antérieure (astérisque blanche) le long de la face antérieure de la membrane interosseuse (tête de flèche blanche).

L'IRM confirme donc le diagnostique clinique de syndorme du nerf interosseux antérieur et permet de préciser son stade d'évolution subaigue devant l'absence d'amyotrophie ou de dégénérescence graisseuse associées en pondération T1.

A noter que dans le cas présenté, il n'a pas été retrouvé de cause extrinsèque de compression nerveuse (syndrome de masse ou variantes anatomiques).

SYNDROME DE KILOH-NEVIN (OU SYNDROME DU NERF INTEROSSEUX ANTERIEUR)

Généralités : Anatomie et présentation clinique.

Le syndrome de Kiloh-Nevin est une mononeuropathie rare représentant moins de 1% des pathologies nerveuses périphériques au membre supérieur. De description clinique intiale (en 1952), il se caractérise par une faiblesse musculaire des muscles innervés par le nerf interosseux antérieur (branche principalement motrice du nerf médian) : le long fléchisseur du pouce, la portion radiale du fléchisseur commun (destinée à l'index et au majeur) et le carré pronateur.

Le nerf interosseux antérieur nait du nerf médian à la face antérieure de l'avant bras, 2 à 8 cm au-dessous de l'épicondyle, généralement en aval du rond pronateur puis chemine en compagnie du nerf médian sous l'arcade fibreuse du muscle fléchisseur superficiel des doigts. Il chemine ensuite en compagnie de l'artère interosseuse antérieure le long de la face palmaire de la membrane interosseuse.

Cliniquement, le syndrome de Kiloh-Nevin entraine une impossibilité de faire un "rond" avec la pince pouce-index (appelée "signe du OK") ou de maintenir une feuille de papier dans la pince en fléchissant le pouce et l'index ( "Pinch sign").

IRM dans le syndrome de Kiloh-Nevin

Aux stades aigu et subaigu du syndrome, les muscles innervées par le nerf interosseux antérieur présentent un hypersignal homogène diffus en pondération T2 et STIR, correspondant à l'oedeme précoce de dénervation. Comme les 4eme et 5eme doigts n'appartiennent pas au territoire nerveux, le signal du versant ulnaire du fléchisseur commun profond est normal dans les formes typiques ce qui oriente facilement vers le diagnostic.

Cet oedème de dénervation est très précoce, apparaissant dans les deux à trois semaines après le début de la neuropathie, c'est à dire avant l'apparition des modifications de l'examen electromyographique (EMG) et correspond au réhaussement musculaire homogène décrit sur les séquences réalisées après injection de chélates de Gadolinium.

A une phase chronique, l'acquisition en pondération T1 montre une dégénerescence graisseuse réversible puis une amyotrophie témoignant de l'évolution de la neuropathie motrice.

La conaissance du "Pattern de dénervation" est donc un élément essentiel au radiologue sur le plan diagnostique, aux phases aigue, subaigue comme chronique, d'autant plus que le nerf interosseux antérieur en lui même n'est pas clairement étudiable par les techniques d'imagerie actuelles.

En particulier, ce pattern de distribution de l'oedeme de dénervation permet de différencier le Syndrome de Kiloh-Nevin des autres neuropathies du territoire médian et en particulier du Syndrome Pronateur, plus fréquent et se distribuant sur le rond pronateur, les fléchisseurs radiaux du carpe, le long palmaire et le fléchisseur commun superficiel.

La conaissance radiologique utile de ces pattern ne doit cependant pas faire oublier les nombreuses variations d'innervation de la musculature antébrachiale. En particulier il est important de ne pas méconnaitre la grande prévalence de l'anastomose nerveuse entre le nerf interosseux antérieur proximal (ou parfois le nerf médian) et le nerf ulnaire (appelée anastomose de Martin-Gruber et retrouvée dans plus de 40% des cas dans certaines séries autopsiques). Ces variations anatomiques ne doivent pas ammener à éliminer à l'IRM un syndrome de Kiloh-Nevin dans les cas de distribution atypique de l'oedème de dénervation.

Enfin, l'IRM permet en outre de rechercher les rares causes de compression nerveuse extrinsèque (la grande majorité des cas étant idiopathiques, et ne necessitant pas de traitement chirurgical). Ces formes "secondaires" bien que très rares sont de causes variées : syndromes de masse (bursite bicipitorédiale ou tumeur des parties molles) comme variations anatomiques (hypertrophie du muscle accessoire du long fléchisseur du pouce appelé muscle de Gantzer, bandelette fibreuse du chef ulnaire du muscle rond pronateur, arcade fibreuse du fléchisseur superficiel des doigts ou variantes vasculaires (artère médiane persistante ou variante anatomique de l'artère interosseuse antérieure)).


REFERENCE

Anterior interosseous nerve syndrome, AJ Grainger and al, Radiology